mercredi 15 octobre 2014

Débarque matinale

"La chute n'est pas un échec. L'échec c'est de rester là où on est tombé." Socrate

Ayoye.

Je me le suis dit intérieurement.

Je l'ai pensé et, malgré la force de l'impact, aucun son n'est sorti de ma bouche. Sauf peut-être celui de l'air emmagasiné dans mes poumons expiré subitement.

*OUF*

J'ai pris une bonne inspiration et me suis relevé mi-stoïque, mi-orgueilleux. Mes yeux ont fait l'inspection rapide des dégâts : un pantalon déchiré, un genou et un coude écorchés, une bouteille d'eau éclatée, une poignée de frein un peu tordue, un réflecteur dévissé, une veste un peu sale. Rien qu'un peu de gaze, mon compost, un bac de recyclage et Claude au bike shop ne sauront régler.

Je me surprends à sourire à l'idée que ça doit bien faire quatorze ans que je ne suis pas tombé de vélo. La dernière fois, je devais avoir ça, quatorze ans ; j'avais foncé dans une vieille Pontiac stationnée au coin de ma rue, par habitude du trajet et parce que je regardais par-dessus mon épaule au tournant, plutôt que devant.

La voiture que j'ai voulu laisser passer sur cette rue étroite alors qu'une autre arrivait en sens inverse s"arrête. Sa conductrice en descend et m'interpelle.

" Wô, ça va ? Méchante débarque !

- Ça va, que je réponds en souriant. Rien de cassé.

- J't'ai vu revolé... En tout cas, merci d'avoir voulu me laisser d'la place !

- De rien. Merci d'vous être arrêtée. Ça devrait aller !

- OK. Bonne journée, puis elle se remet en route.

Je ramasse le réflecteur et son écrou de plastique et les mets dans ma poche de veste ; à 7h48, ils ne sont pas des plus pratique et puis je pourrai les replacer en arrivant au boulot. Je tire les restants de ma bouteille d'eau au recyclage ; heureusement, c'est pas les bacs qui manquent le jour de la collecte au village. Je teste mes freins ; tout semble en ordre malgré l'espèce de rictus que fait maintenant mon guidon.

Je note que les déchirures de mon pantalon s'ensanglantent à une bonne allure. Fuck le paraître pour aujourd'hui. Au mieux, ça fait une bonne anecdote à raconter aux collègues.

J'enfourche ma monture et me remets à pédaler.

Mon cœur a repris son rythme d'avant la chute, ma respiration a repris sa calme alternance et mes lèvres ont repris leur sourire : tout va bien.

mardi 7 octobre 2014

Solo-Vélo-Tofino - Lettre d'intention

 "And so it turned out only a life similar to the life of those around us, merging with it without a ripple, is genuine life, and that an unshared happiness is not happiness" - Boris Pasternak


Cher entourage,

Je t'écris aujourd'hui car je veux initier le contact, te parler de moi (pas trop, tu vas apprendre que c'est pas dans mes habitudes), te partager un projet que je chéris depuis des années et pour lequel je vais avoir besoin de ton aide.

J'ai reçu au courant de l'été un nom. Lors d'une cérémonie, dont je ne peux te parler outre que pour nommer son existence, les gens avec qui je m'implique dans l'éducation (à la dure) de notre jeunesse depuis deux ans m'ont offert un totem, que tu connais déjà si tu lis ces lignes : Éléphant accessible.

Si tu n'es pas familier avec le totem scout, je t'apprendrai ceci : l'animal qui compose le nom est une métaphore de ta personnalité et la qualité, selon les saveurs locales, représente un acquis ou une qualité à atteindre. Dans la cas de mon groupe, dans un esprit de continuelle amélioration, nous suivons le second cas de figure.

J'ai été flatté par l'éléphant, qu'on m'a présenté comme un être groundé, à l'écoute, une force tranquille par le seul fait de sa présence, un animal grégaire qui s'acclimate bien de la solitude. Il m'a fallu un peu plus de temps pour apprécier l'accessible. Pourtant, tu m'avais souvent fait la même remarque ; il faut croire que l'on entend la vérité selon le contexte et les humeurs.

Tu m'as aussi déjà reflété que j'étais humble et c'est peut-être par manque d'amour propre dans le passé, mais il m'a fallu du temps pour comprendre que j'avais du pouvoir, que mes actions, mes idées et mes sentiments pouvaient faire une différence, que j'étais le changement que je voulais voir.

Je comprends un peu mieux maintenant et je remercie les membre du clan de la Cigogne d'avoir eu la sagesse de me demander de m'ouvrir, de partager, de faire le pas vers l'autre.

Après réflexion, je me suis rappeler qu'il n'y avait que lors d'excursions (au propre comme au figuré) bien en dehors de ma zone de confort que je m'étais toujours révélé à moi-même grâce au contact obligé avec l'autre.

Et c'est dans cet esprit que je veux réaliser une idée qui me trotte dans la tête depuis bientôt dix ans : un grand voyage en solo, le strict nécessaire dans un sac et vivre au gré de mes rencontres et de petits boulots. Je choisis le vélo comme moyen de transport parce que je veux te montrer qu'il est possible de voyager autrement et parce que... bin j'aime ça le vélo !

Vois-tu, j'ai la conviction profonde, malgré tout ce que le mode de vie occidental et les médias ont voulu m'apprendre depuis que je suis tout jeune, que le monde est bon. Et j'ai la ferme intention de vous le montrer, à toi et au monde. Le format reste encore à choisir, mais je veux faire ce voyage-là pour moi et pour toi. C'est la seule façon qui a toujours fait du sens pour moi : je ne vois aucune utilité à ne servir que mon ego alors que le partage de la connaissance est rendu si facile à notre époque.

Bon, je prévois tout de même en profiter pour vivre quelques expériences enrichissantes et wild. Sans te gâcher tous les punchs, je veux t'avouer quelque chose que je ne t'ai jamais dis : j'envie la vie de surfer... Le réveil matinal, le contact avec l'élément naturel numéro 1 de notre planète et de notre corps, la recherche d'équilibre en surfant les vagues, ça m'parle ! Vas-y, tu peux bien rigoler - de toute façon tu m'as appris que si je ne vaux pas une risée, je ne vaux pas grand chose. Il paraît qu'il y a de belles vagues à Tofino.

Pour réaliser ce projet, je vais avoir besoin de ton aide. Pas nécessairement tout de suite, mais tout au long de ma préparation : des trucs à trouver, des gens à rencontrer, des choses à apprendre. Et je vais faire appel à tes savoirs, à ta générosité (t'inquiète, je ne te demanderai pas de dons), à ta capacité à me mettre en lien avec de l'information. D'une certaine façon, mon expérience commence dès maintenant et tout le support que tu vas me donner pour m'aider dans ma préparation créera la première banque de données !

Merci à l'avance pour ton support et ta confiance.

Éléphant